Projet d’innovation : Travail et cancer du sein dans les ETI

Etude stratégique – Executive Summary

17 février 2021
temps de lecture : 4 mn
3 pages A4

avec le soutien financier de

Aujourd’hui, entreprises, politiques publiques et attentes sociétales convergent pour reconsidérer les enjeux du maintien en emploi. Les situations où ces questions complexes font irruption dans le cours ordinaire des choses se multiplient : le cancer et les maladies chroniques transforment les enjeux du maintien en emploi, en appelant à innover pour rendre effectivement possible le « travail thérapie ».

Le projet Travail et Cancer du sein dans les ETI s’est donné pour objectif de contribuer aux initiatives nombreuses qui s’intéressent à ces questions avec un double parti-pris :

  • d’abord travailler sur les enjeux du maintien en emploi avec une loupe : celle des salariées qui ont un cancer du sein et qui souhaitent poursuivre leur activité professionnelle pendant les traitements ou tout de suite après. Pourquoi le choix de cette situation en particulier ?
    • parce qu’elle touche une femme sur dix, dont la moitié est en âge de travailler.
    • parce que leur arrêt peut être long de plusieurs mois, renforçant les enjeux du maintien.
    • parce que les études épidémiologiques montrent que le maintien en emploi est un facteur de santé et d’augmentation de l’espérance de vie en bonne santé.
  • ensuite repartir des savoirs d’expérience des salariées concernées par un cancer du sein et de leur entourage professionnel pour interroger trois verrous qui limitent les possibilités réelles de progresser sur le maintien en emploi :
    • Premièrement, dépasser le traitement juridique de la maladie dans l’entreprise qui tend à médicaliser le sujet et à « prendre en charge » une personne confinée à un statut de malade.
    • Deuxièmement, ne pas considérer le travail uniquement comme un facteur de risque à prévenir, mais aussi comme un facteur de santé, et s’intéresser aux conditions du travail thérapie.
    • Troisièmement, ne pas cantonner la salariée concernée à un sujet passif qui subit la maladie, mais au contraire l’affirmer comme une personne maître d’ouvrage de sa vie et de sa santé.

Le projet Travail et Cancer du sein dans les ETI repose sur une démarche d’innovation ouverte telle que définie par le référentiel des living lab et bénéficie pour cela de l’engagement d’un écosystème singulier, articulant les contributions :

  • des acteurs de terrain : une centaine de salarié.e.s, managers, élu.e.s, professionnel.le.s des services de santé au travail et représentant.e.s des directions de six entreprises à taille humaine, des ETI membres de l’association Middlenext,
  • des chercheurs, réunis dans un comité scientifique ayant adopté le mode de coopération impulsé par le living lab,
  • des partenaires institutionnels et financiers, avec les contributions de leurs directions d’innovation respectives : Malakoff Médéric Humanis, Agefiph et INCa.
  • des représentants des organisations syndicales.

La matière première des travaux de cet écosystème s’est concentrée sur les expériences des salariées concernées par un cancer du sein, mais aussi des salarié.e.s concerné.e.s par une maladie chronique et des acteurs de l’entourage professionnel de ces salarié.e.s, pour décortiquer avec elles et eux les façons dont santé et travail se recomposent pour permettre une trajectoire de maintien réussie.

Les analyses permettent de distinguer des configurations assez tranchées.

  • Des pratiques de maintien dans l’emploi « bricolées » et réalisées le plus souvent en zone grise. Dans les ETI qui disposent d’une technostructure limitée, l’accompagnent est réalisé au plus près du terrain. Salarié.e.s, managers et collègues s’ajustent pour reconfigurer l’environnement du travail et trouver au fur et à mesure un compromis productif. Cette approche très empirique du maintien dans l’emploi, facilitée dans des organisations qui laissent une large autonomie aux managers de proximité, est propice à faire du travail un facteur de santé. Néanmoins, elle comporte des risques : lorsque la maladie s’aggrave, le collectif peine à poursuivre l’effort consenti. Dans certains cas, les situations peuvent se judiciariser, et l’entreprise se retrouver en faute du fait des arrangements informels, en dehors du cadre juridique, qu’elle a proposés.
  • Des pratiques de maintien dans l’emploi « médicalisées », réalisées dans les ETI disposant d’un dialogue social et d’une technostructure plus développés (certaines ETI disposent d’accords handicap ou de conventions avec l’AGEFIPH). Dans ces configurations qui limitent les dérives discrétionnaires des configurations bricolées, le médecin du travail joue un rôle majeur, prescrivant ce que peut ou non faire les salarié.e.s a priori. Ces pratiques tendent à limiter le champ d’action des salarié.e.s et des managers qui peuvent se retrouver en difficulté pour respecter les restrictions médicales. Les logiques d’appui basées sur une logique d’emploi peuvent venir en contradiction avec la logique propre à l’activité de travail et rigidifier l’organisation du travail.
  • Des pratiques de maintien dans l’emploi « empêchées », dans certaines organisations sous tension. Par exemple, lorsque le carnet de commande augmente parallèlement à l’usure professionnelle des salarié.e.s, et que l’individualisation de la performance limite les mécanismes de régulation et de soutien collectif, l’accompagnement des personnes devient une gageure pour l’encadrement de proximité.

Quelles voies explorer pour que le travail constitue un facteur de santé sans tomber dans les écueils de pratiques bricolées ou médicalisées ? Le chemin est étroit et nécessite de poursuivre une démarche d’expérimentation gage d’innovation. L’étude propose d’investiguer trois champs, correspondant aux trois verrous identifiés :

  • Sur le plan juridique, expérimenter une approche assurantielle qui permette de dépasser la logique statutaire, et s’accorder sur un référentiel de pratiques pour un « maintien raisonnable » en mesure de sécuriser entreprises et salarié.e.s
  • Sur le plan du travail thérapie, tester les dispositifs de « temps choisi » dans lesquels les salarié.e.s peuvent articuler exigences personnelles et professionnelles, et évaluer le caractère « télétravaillable » des activités confiées
  • Sur le plan de l’outillage individuel enfin, mobiliser les savoirs d’expérience des salarié.e.s concerné.e.s pour leur redonner la maîtrise de leur trajectoire professionnelle.

Un cahier expérimental complète ce rapport et vient encourager et guider des initiatives de terrain pour continuer d’ouvrir des voies d’innovation et de répondre favorablement aux salarié.e.s pour qui ne pas pouvoir travailler constitue une « double peine » et aux entreprises pour lesquelles la responsabilité sociale ne s’exprime jamais mieux que quand elles peuvent fournir à leurs salarié.e.s un travail constructeur de santé.